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André Dauthuille

Mon père est né le 5 février 1918 à Saint-Pol-sur-Ternoise (62) et est décédé le 7 mars 1999 à Arras. Il exerça la profession de dessinateur industriel à l'entreprise Saint Sauveur rue des Rosati et c'est en revenant du travail ou pendant les fins de semaine et même la nuit qu'il peignait dans le bureau de la maison située rue Clusius.

   Avant de parler de mes souvenirs, je vais présenter ici afin de lui rendre hommage, quelques extraits d'articles parus dans le journal «La Voix du Nord» à l'occasion des multiples expositions qu'il fit dans le département, dans d'autres régions de la France et à l'étranger.

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Ci-contre: Guy Mollet, député-maire, rendant une visite amicale au peintre arrageois lors de l'exposition au "Commerce", à Arras, le 16 novembre 1969.

«Lorsque nous imaginons une oeuvre de Dauthuille, nous pensons infailliblement aux arbres dénudés assiégeant le ciel ; aux ruines de quelque maison perdue dans l'immensité, à une route humide et déserte, balayée par le vent... Dauthuille est un peintre figuratif, gardant réelle la forme des choses, mais l'originalité de son art réside dans l'ambiance qui enveloppe des sujets qu'il représente ; un climat à la fois insolite et poétique.

Passant avec aisance de l'ombre à la lumière, l'artiste situe en quelque sorte les deux pôles de sa sensibilité en réalisant une série de compositions d'atmosphère, de paysages aux ciels gris et tourmentés et, parallèlement, un ensemble d'aquarelles éclatantes de lumière.»

«La Voix du Nord», 1961

 

«Son nom est connu dans les milieux artistiques du monde entier. André Dauthuille a exposé dans les grandes capitales du monde artistique. Il est coté à l'argus des peintres vivants.

A travers ses arbres tordus, rabougris ou orgueilleux, mais toujours omniprésents, dans ses ciels pesants ou évanescents, on retrouve toujours l'artiste. Ses aquarelles toujours aussi paisibles tranchent avec l'aspect tourmenté de ses huiles aux ciels sombres, parfois étouffants.»

«Parfois pessimiste, il fait appel au ressort secret des âmes et si le spectateur superficiel n'en voit que la nostalgie, la puissance et le mouvement recèlent un espoir apaisant à ceux qui découvrent au delà du trait et de la couleur une recherche d'absolu.» (Arts et culture de «La Voix du Nord» 1984).

«Préoccupé de traduire les sentiments secrets des êtres et d'exprimer le mystère des choses, André Dauthuille sait «isoler» le spectateur en face de chacune de ses oeuvres». (Avis de cotation de la Revue «Signatures» Paris)

Ainsi était-il connu comme paysagiste, aquarelliste mais surtout comme peintre d'atmosphère :

«André Dauthuille peint selon état d'âme et ses oeuvres sont très émouvantes qui traduisent l'atmosphère brumeuse (propice à la rêverie) de la campagne flamande, ou encore quelque image de misère dont la puissance suggestive nous va droit au coeur. Au fond, André Dauthuille est un poète, qui a choisi de s'exprimer par le truchement de la peinture... et le jury de Deauville qui lui accorda, en 1954, son Grand Prix International, ne s'y est pas trompé.»

T. L. - «Semaine du Monde», 1955

Que dire du peintre quand il s'agit d'un homme d'une telle envergure et de son propre père !

Je dirais que je suis née dans la peinture ; j'ai grandi entourée de ses oeuvres que je côtoyais journellement et chacune était une fenêtre sur l'imaginaire.

Nous ne parlions pas... un silence régnait...

Petite, assise dans le salon avec mes jouets, je racontais des histoires... Lui peignait à quelques pas sans rien dire et il coupait de temps à autre le fil de mes contes en corrigeant mes fautes d'expression... et le silence reprenait...

Mais c'était un silence constructeur... un silence dans lequel germait la créativité et inconsciemment, j'en percevais la magie.

Quand nous partions en vacances, il emmenait toujours du papier à dessin et lors des excursions, il s'arrêtait devant un lieu qui l'inspirait et en faisait un croquis (c'est ainsi que l'on trouve de nombreuses aquarelles : fruits de ces découvertes dans des lieux assez perdus où régnaient un certain mystère, une perspective intéressante ou un charme particulier).

Le peintre devant une toile intitulée "La sterne" lors de l'exposition à "l'Hôtel de l'Univers" à Arras, le 13 décembre 1984

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Mais un endroit l'attirait tout particulièrement : c'était Vezelay (il en fit de nombreux croquis). Ainsi dans la cour de la maison que nous louions près de la basilique, il avait aménagé un atelier dans une pièce située à part du logis où moi-même, revenant de mes promenades sur la Terrasse ou sur les remparts, j'accumulais des bâtons aux formes surprenantes.

Souvent, je le regardais peindre, s'éloigner du chevalet, s'en rapprocher une quantité innombrable de fois et sa vision se matérialisait peu à peu sur la toile, forgeant ma faculté d'émerveillement devant les choses.

Je crois qu'entre l'écriture et la peinture, il y a une liaison profonde (comme entre d'autres arts). Je pourrais écrire des lignes sur certaines de ses compositions comme on écrit en voulant exprimer ce que l'on ressent au plus profond de soi-même dans les songes de l'irréel (songes pourtant si présents) car les émotions qui nous habitent se traduisent par des outils porteurs (pinceau-plume) . Pourtant ces besoins différents de faire parler l'imaginaire se rejoignent ; ils viennent du même désir : celui de matérialiser et d'immortaliser les visions d'une grande teneur.

Et pourtant je ne dirais qu'un mot ou qu'une expression : celle qu'il avait fini par adopter pour donner un titre à tous ses tableaux et qui était : "Evocation d'une ambiance".

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André Dauthuille a exposé également ses peintures au Musée de la Ville de St Pol sur Ternoise (dont il est natif).

Photo prise lors du vernissage de l'exposition au musée de Saint-Pol sur Ternoise, le 15 juillet 1990.

  "Comment ne pas garder en mémoire les moments passés en compagnie d'André Dauthuille alors que j'assurais dans les années 8O la présidence du Cercle Poétique du Ternois à Saint Pol sur Ternoise ?

              Le Cercle Poétique organisant des prix de poésie en différentes catégories (rondel, tanka, prix de poésie de la Ville de St Pol) l'année I984 fut celle du prix du "Poème illustré".

              Nous avons demandé à André Dauthuille de faire partie du jury de ce prix. La délibération finale se fit à St Pol, en mon lieu d'habitation, et je me souviens de ces "poèmes-dessins" éparpillés en divers points de la salle salon, sous le regard des "autorités" compétentes !

              Il y avait là encres, aquarelles, fusains ; les textes étaient généralement (et forcément) courts. L'illustration devant mettre en valeur ces poèmes.

              André Dauthuille fut un "regard" très sûr, sans concession. Bien sûr, son choix, parmi les autres membres du jury fut approuvé. Il régna pendant toute cet après-midi une ambiance des plus cordiales, détendue, souriante, une vraie "vie" dans un moment artistique!

              André Dauthuille fut à l'égal de ces instants évoqués, un ami très sûr, fidèle et très discret. Jamais il ne mettait son art en avant en se targuant de récompenses et médailles (une exposition, à peu près à la même époque, à Arras, dans un des hôtels renommés de la ville, témoigne de cette même réserve, sous le talent extrême).

              La vie a réservé à André Dauthuille bien des vicissitudes. Est-ce en contrepartie que ses peintures appartiennent au domaine du secret,  de l'aspect tourmenté de la nature, du tourbillon des vents du Nord, de la célébration des lieux (ou des "instants" ) où règne le "suspens" des émotions ?

              Là où je réside actuellement, j'ai, sur les murs, différents tableaux d'André Dauthuille. D'où  j'écris ces lignes, au dessus de l'ordinateur même, un tableau représentant un arbre, massif, imposant, feuillu (un chêne ?) imposant.

             Positivement, cet arbre "rayonne". Non pas seulement parce que des rayons de soleil le traversent en oblique, mais comme doté d'une lumière intérieure. A  d'autres emplacements, d'autres arbres "règnent" en maîtres solitaires, comme ce grand tableau où une bourrasque semble "attaquer" ces géants  éparpillant quelques feuilles. Pas toutes cependant. Les arbres d'André Dauthuille, quelles que soient les saisons, gardent toute leur force profonde, leur vitalité.

           André Dauthuille est pour moi un peintre d'une rare intensité d'expression  dont le talent mériterait, en plus de la notoriété nationale et internationale qu'il connut, une reconnaissance encore plus large et plus "parfaite".

           Puisse l'hommage que lui rend sa fille, mon amie Kathy, contribuer à cet élargissement d'audience dans la plus belle complicité de tout grand art.

Jeanne Maillet

L'arbre
pour André Dauthuille

"Il chante...
Il a le soleil sous ses pieds...
Il en boit la lumière...
Sa présence est pour ton seul regard...
Quant à son maître, il fait un cortège
de toutes ses feuilles,
de l'aube à la tombée du jour,
parce que les doigts d'un peintre
sont des flèches de résurrection
qu'il honore de son immense
et très doux
savoir végétal..."


Jeanne Maillet
Le 23 avril 1994

Arbre sous le vent

Nasbinals ,1959

Ligne de Saules

Le calvaire (composition)

" MERCI pour ces images de ton père. Cela m'a fait plaisir, je me souviens d'un homme discret qui venait chercher sa fille au café du village... où une télé divertissait quelques habitants. Nous n'avons pas su son talent, sa poésie... mais je garde dans mon cœur  ces gens simples du Nord qui vinrent illuminer mes étés. QUE ses toiles soient reconnues pour celles d'un homme juste."

Maithé. (Bun, Pyrénées)

La peinture représente un bouquet dont les fleurs ont des formes symboliques.

Caricature faite par Jacques Hannebique (Nord-Matin 1960)

Exposition au Crédit Agricole d'Arras

Le pont de La Pierre Perthuis , L'Yonne, 1958

 

AUDIENCE DE LA MISÈRE

 

Le voilà seul debout, devant son chevalet.
La toile est encore vierge de toutes couleurs ou traits.
Le peintre la contemple, se pose et imagine,
Même s’il connaît déjà l’idée qui le domine.

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Dans la semi-pénombre de cet atelier,
Où aquarelles et gouaches apprennent à danser
Il saisit lentement les divers pinceaux,
Palette et fusains qui font face au tableau.

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D’où s’apprêtent à surgir les pensées de l’artiste,
Comme le parfait mélange d’un savant al chimiste.
Il visualise, ces lignes et ces couleurs
Qui bientôt vont éclore comme le ferait une fleur.

​

D’un geste ferme et franc son œuvre est entamée,
Et la toile doucement perd sa virginité.
Les teintes se confondent en d’élégants mélanges,
Comme tombées du ciel sous l’égide des anges.

​

Doucement l’atelier se teinte de parfums
De peinture mêlée aux produits alcalins,
Tandis que se dessinent des arbres dépouillés,
Tout comme se devinent des ciels irisés.

​

Le temps délicatement perd de sa consistance,
Le peintre s’exécute en une douce transe
Qui l’amène malgré lui vers des confessions :
Celles de son esprit, celles de ses visions.

​

Quand le tableau s’achève et que ses derniers traits
Dans un souffle exalté viennent se poser,
L’artiste se recule alors de quelques pas,
Observe son travail avec un tendre émoi :

​

D’ombrageuses nuées aux délicats tracés,
Sur la droite une croix, vers le ciel dressée,
Tandis que se tient là, humblement face à elle
Une ombre mystérieuse sous des arbres éternels.

​

Cette ouvre restera dans la postérité,
Le peintre André Dauthuille nous en fait héritiers
Tout comme pour d’autres toiles issues de son génie,
Qui transportent nos âmes et ouvrent nos esprits.

                                                                                                      Jean-Christophe Vanneuville

                                                                                                      juin 2022

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Merci à toutes les personnes qui ont témoigné sur cette page concernant mon père (artistes, poètes, amis et proches) ; c'est un bel hommage que toutes ces personnes lui ont ainsi rendu et je suis sûre que là où il est, il en est touché. Et merci à lui pour ce qu'il nous a apporté en peinture, en sensibilité et en philosophie de vie.

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