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Jean-François MAURY,
professeur de Littérature Espagnole

Ce 8 décembre 2022 les Éditions du Puits de Roulle mettent en ligne une page concernant mon livre « Le 8 et la Déesse » paru récemment chez elles. Il s’agit d’un retour de lecture dont voici un extrait :

« Très chère Kathy,

Peut-être aviez-vous en tête, en écrivant "Le 8 et la Déesse" ces vers qui ouvrent le recueil de Patrice de La Tour du Pin "La quête de joie" :

"Tous les pays qui n'ont plus de légende

Seront condamnés à mourir de froid…"

 

C'est, malheureusement, le cas du monde matériel et sec dans lequel il nous est donné de vivre.

Car ce qui caractérise notre époque, la technologie et le progrès, ne sont pas des légendes : la technologie aboutit au gadget, le progrès à Tchernobyl, et tant l'un que l'autre nous apportent le froid de l'âme.

Avec votre conte, vous redonnez sa force au rêve qui devient créatif lorsqu'il se change en songe et fait apparaître le lien qui unit l'univers et l'homme. Vous en donnez la clef avec le 8 car, écrivez-vous, "dans la nature l'air se déplace en boucles [qui] se prolongent, se rejoignent... jusqu'à dessiner un grand huit à l'horizon entre le ciel et la terre [établissant ainsi] une communication invisible entre toute chose et tout être" (p. 64).

(…)
Espérons que ce conte mystérieux traversera le temps suspendu que chaque lecteur portera symboliquement autour du cou avec ce sablier en forme de huit gravé sur la tablette de son propre mystère, tel que le présente la fin de votre conte.

Et permettez-moi de vous remercier de m'avoir enrichi de votre imagination fertile et de votre sensibilité créatrice, qui ont porté en moi l'écho qu'elles sauront éveiller chez tous vos lecteurs.

 

Je vous embrasse très affectueusement, »

Jean-François MAURY

 

Cette belle critique me touche profondément et très particulièrement puisque Jean-François Maury fut mon professeur de littérature espagnole lorsque je suivais mes études supérieures à l’Institut Français de Madrid en 1973.

 

Ensuite la vie joua sur le damier puisqu’il occupa le poste d’Inspecteur d’Académie dans les locaux-mêmes de l’Inspection Académique d’Arras où je travaillais alors comme secrétaire en 1977 après mon retour dans ma ville natale.

Je devins par la suite professeur de langue castillane et la vie s’arrangea encore pour que je revoie Monsieur Maury plusieurs années après de façon inattendue au Rectorat de Lille où ce fut lui en personne qui me remit le « Prix de la Renaissance Française » en 1990 pour mon livre « La Noria des Temps »

Ce fut par la suite qu’il m’accorda le privilège d’écrire la préface de mon livre « Les Voyageurs au Sang d’Or » paru aux Éditions du Puits de Roulle en 2010. Voici un extrait de cette présentation :

« Partir ! Pour conjurer la faim ; pour conquérir le rêve. Par ces chemins tout de poussière, comme l’amitié, l’amour ou la mort qui les fait se croiser. Et la ronde des jours est longue ou brève comme le cœur bat, tandis que les routes, à force d’être inlassablement parcourues, inexorablement et sans but apparent, prennent peu à peu du sens, convergent en une seule voie, initiatique, allant de l’enfant au vieillard quelque part envoûtés par des sorts qui pourraient être dérisoires s’ils ne ressemblaient au destin. Alors l’homme sans racines et pourtant attaché par les liens de son peuple, irrigue cet étrange voyage des sentiments de son âge, c’est-à-dire de notre âge.

Cette méditation au croisement de l’espace et du temps se chante en une longue mélopée flamenca. Non pas celles, chatoyantes et rageuses qui font la joie superficielle des touristes, mais plutôt dans ce chant profond né d’un être habité des saisons, rythmé aux pas de la tribu traversant, souveraine, l’air de la tradition, celui que l’on apprend à respirer, à respecter, et qui vous donne tout à la fois votre identité et votre différence, votre liberté et votre enclos.

(…)
Et quand le dernier mot s’en va, comme la voiture après le tournant, on garde l’impression d’avoir participé, au long de ce parcours, à un véritable rituel guidé par l’espoir.
»

Cet ouvrage est une aventure à lui seul et certaines étapes sont évoquées sur ce site.

Et en 2021 voici que sort un nouveau livre à la présentation originale car les textes apparaissent en miroir face aux dessins d’Alain Brechbuhl ; ce fut l’occasion de l’envoyer à mon destinataire habituel et de recevoir ses impressions :

« J’ai reçu Sylphis & les Ombragines.

Superbe ! Je le lis par petites goulées, comme un vin exquis ce qui compense le fait que je ne boive jamais pas une goutte d’alcool.

Cette association de personnages allégoriques avec des animaux qui leur ressemblent m’a fait penser à Jean Lorrain et à Pierre Chabert (…)

 

Mais pour en revenir à votre livre, les illustrations qui combinent le noir et blanc du rêve (rêve-t-on en couleurs ?) et les couleurs chatoyantes du réel portées par les animaux, montrent la force de notre double nature spirituelle dont les racines plongent dans la création tout entière.

 

Quant à vos textes, oniriques et allusifs, ils font de chacun des personnages comme les multiples facettes de soi. Voyage percutant dans l’intime.

Bravo et Merci !

Sachez mon affectueuse admiration. »

 

Pour conclure je dirais que les analyses ici fragmentées et regroupées de mon ancien professeur ainsi que son soutien empreint d’humanité depuis si longtemps me comblent de gratitude.

Certes la Vie joue avec le grand 8 quand elle établit des rencontres à travers le temps et les distances de façon tellement magique. Encore faut-il que les protagonistes sachent en tirer la quintessence et je pense que ce fut le cas.

Et me vient l’envie de feuilleter le livret de poèmes « Ciselures ou l’or d’une reliance » dans lequel je retrouve ce texte écrit il y a très longtemps, (p. 40) rappelant l’époque madrilène lorsque j’étais étudiante :

 

LES LILAS DE MADRID

Les rayons fruités de l’aube rasaient

la plaine castillane ;

orange se profilaient les murailles de brique

encerclant le vertige de la capitale.

 

FLEURISSAIENT LES LILAS DE MADRID

 

Midi à la porte du soleil,

l’ours noir se cabrait,

un cireur de chaussures

renvoyait sur le cuir d’une botte

la brillance du ciel ;

songeait-il ?

Christophe Colomb de bronze et de rêve,

le regard perdu entre les gratte-ciel,

ignorait qu’à deux pas de son socle,

sur une table de classe,

les odes de Pablo Neruda chantaient

le prodigieux mystère de la terre convoitée.

(Un cahier se fermait

tandis qu’un autre s’ouvrait.)

 

FLEURISSENT LES LILAS DE MADRID

 

Cybèle en sa fontaine

lutte contre l’écume du temps

moussant sans relâche sous son char ;

elle voudrait rejoindre

l’autre Dieu, le Manzanares,

qui coule à deux envolées de pigeons.

Dans la via gonflée de chuchotements et de tambours,

le ‘paso’ de chandelles et d’œillets

tangue près du métro,

vacillent les flammes des cierges dans l’encens.

Attentive, glisse la vierge,

elle considère en souriant

le pénitent affolé dans la ruelle glacée,

le Christ échevelé l’aurait-il oublié en chemin !

 

FLEURIRONT LES LILAS DE MADRID

 

Quand à l’heure bruissante du ‘paseo’

l’enfant-roi escaladera

le cheval de Don Quichotte

pour une royale photo,

grésilleront les châtaignes aux perrons des théâtres.

Quand sur les gradins vides de l’arène

les rouges-gorges picoreront

les dernières graines du soleil,

un ultime taureau mourra

dans le cercle d’or.

Et lorsqu’un peintre en errance,

la tête pleine de songes du Prado

et la joie étincelant aux yeux

fixera sur la toile de la vie la couleur indigo

 

NE SE FANERONT PLUS LES LILAS DE MADRID

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